Extrait du journal de marche du TG58.2

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Variations sur Amirauté

Extrait du journal de marche du TG58.2, par Benoît Clérin

Compte-rendu d’une partie d’Amirauté réalisée lors des Semaines de l’Hexagone 2018 : Mariannes 1944 FTL

 

11 juin

La veille au soir, les derniers détails de l’opération sur les Mariannes sont mis au point. Nous enregistrons nos ordres et nos positions pour le 13 juin, qui voit le début des raids sur Iwo Jima, Tinan, Saipan et Yap en prélude au débarquement sur les principales îles de l’archipel des Mariannes. L’idée générale du plan est de lancer ces raids simultanément afin de neutraliser d’un coup l’aviation japonaise à terre, de laisser planer l’incertitude sur un objectif particulier, masquer pour le 14 juin le débarquement sur Saipan et Tinan. Le gros de la TF58 (TG58.1) restera au large à l’est des Mariannes alors que deux groupes, l’un au sud, le TG58.3 et l’autre au nord, le TG58.2, neutraliseront les forces aériennes japonaises sur Yap et Iwo Jima. Néanmoins ces deux groupes pour le 13 juin resteront à une journée de navigation du gros de la TF58 afin de se porter assistance en cas de détection de la flotte japonaise supposée à proximité des Mariannes vers l’ouest.

C’est donc à Eniwetok que la TF58 se divise. La TF51 restera en arrière le temps d’acheminer et de couvrir les forces d’invasion.

Au matin, le TG58.2 prend le cap nord-ouest afin de rejoindre son objectif et sa position pour le bombardement d’Iwo Jima. Il s’agit de neutraliser l’aérodrome pour interdire tous raids ennemis depuis cette ile.

Le Task Group 58.2 : porte-avions lourds Wasp et Yorktown, porte-avions légers Cowpens, Monterey et Langley, cuirassés modernes South Dakota et Indiana, avec leurs croiseurs et destroyers d'escorte.

Les prévisions météo de notre secteur sont plutôt mitigées avec une visibilité plus réduite et un plafond nuageux. Cette météo nous avantage parce qu’elle limiter les risques de repérage de nos forces par des reconnaissances ennemies depuis les Mariannes ou Iwo Jima

12 juin

Au matin du 12 juin nous obliquons notre route vers l’ouest afin de nous positionner à moins de 900 km au sud-est de notre objectif à portée longue de nos bombardiers Avenger et Helldiver. La météo reste moyenne pour la journée. Cependant par prudence, nous lançons des reconnaissances aériennes dans un cône de 30° d’ouverture avec un rayon de 1000 km vers l’ouest. Il s’agit de se prémunir de toute mauvaise surprise et de détecter une éventuelle escadre sur notre chemin. En milieu d’après-midi nos reconnaissances, qui sont de retour, confirment l’absence d’ennemis au-devant de nous et vers la position de départ de nos raids. La voie est libre dans notre secteur.

La nuit nous naviguons donc sereinement et j’ordonne au chef des opérations aériennes la préparation et la planification du raid sur notre objectif. Suivant mes instructions, nous gardons cependant une partie des escadrilles en réserve afin de ménager nos pilotes, le matériel et les mauvaises surprises. En parallèle, j’ordonne des reconnaissances pour le lendemain toujours à l’ouest de la position de départs de notre raid.

13 juin

3h du matin branle-bas pour les escadrilles, pilotes et avions désignés pour le raid de ce jour. 4h les premiers avions sont montés sur le pont afin de préparer le décollage des escadrilles. L’aube pointe à peine une légère lueur de l’Est qui détache lentement l’ombre des navires de l’horizon. Ils sont barrés face au vent pour lancer les premiers appareils.

6h nos premières vagues arrivent sur l’objectif et commencent le bombardement des installations sur Iwo Jima.

10h retour des premiers avions. Les chefs d’escadrille signalent que le raid n’a pas été suffisant pour traiter l’intégralité de l’objectif qui se révèle plus conséquent que prévu. Nos pertes sont minimes moins de 5 avions endommagés ou perdus. Avec le chef des opérations nous programmons un nouveau raid avec les avions restés en réserve. L’objectif est que tout soit bouclé pour la tombée de la nuit.

En attendant, le TG58.2 est contraint de croiser autour du même point ce qui nous rend inconfortablement vulnérables. Heureusement, les reconnaissances vers l’ouest qui restent muettes, nous prémunissent de toute proximité avec une escadre ennemie. Cependant l’absence de navire japonais dans le secteur parait surprenante. Aucun dispositif de la marine japonaise pour protéger ses îles qui constituent le dernier rempart vers le Japon ou les Philippines.

Vers 18h, les derniers avions du deuxième raid appontent juste avant la nuit. Cette fois-ci, les installations et les appareils au sol d’Iwo Jima sont complètement détruits. Tout le monde est soulagé par la facilité de la mission et les pertes minimes que nous enregistrons. Certains avions pourront être réparés et nous ne déplorons que 3 disparus.

Seulement maintenant que faire ? Pas d’escadre japonaise à proximité des Mariannes et impossible de rompre le silence radio pour de nouvelles instructions au risque de se faire stupidement repérer. Les ordres de l’état-major de la flotte sont d’intercepter et de neutraliser toute flotte ennemie qui ferait route vers les Mariannes pour perturber l’invasion de Tinan et Saipan. Or, le débarquement n’aura lieu que demain. Continuer à faire des ronds dans l’eau toute une journée sur le même point n’a pas beaucoup de sens et notre immobilisme présente des inconvénients. Rester sur place nous empêchera de débusquer quoique ce soit, au risque d’être repéré. Aucun navire japonais ne semble croiser à proximité des Mariannes ou d’Iwo Jima. Coté sud des Mariannes non plus, sinon le TG58.3 l’aurait signalé. Il est donc évident que la flotte japonaise est largement plus à l’ouest des Mariannes.

En outre les japonais auront compris qu’une Task Force croise forcement entre Iwo Jima et l’extrême nord de l’archipel des Mariannes. En y regardant de plus près c’est le TG58.2 qui est le plus éloigné de l’ensemble de la TF58 à cause de son objectif. Mais retourner vers le gros de la TF58, c’est le risque de réduire notre couverture de reconnaissance et de ne finalement pas débusquer l’ennemi.

En toute logique, une escadre japonaise devrait naviguer beaucoup plus au sud-ouest d’Iwo Jima en vue d’intercepter les CV qui ont lancé le raid sur cette île. Et pourquoi pas la rejoindre et évaluer sa composition et sa force dans la perspective de rameuter la TF58 ?

Ordre est donner mettre le cap plein ouest et de dépasser Iwo Jima par le sud.

14 juin

Une opération de reconnaissance en avant du TG58.2 est programmée. Le cône de reconnaissance est élargi à environ 90°. Ce jour est donc crucial parce qu’il permettra de reconnaitre des éléments de la ou des flottes ennemies.

Sauf qu’à notre plus grande stupéfaction aucune de ne nos reconnaissances n’a donné de résultat. L’océan parait comme vide de toute présence ennemie. Cette fois-ci, nous nous sommes dangereusement éloignés du TG58.1 qui signale sa position au large et à l’est de Tinan et Saipan sans réclamer notre regroupement. Aucune nouvelle également du TG58.3 probablement au sud des Mariannes, entre Yap et Guam. A priori le débarquement et l’invasion ont commencé sans être perturbés par une escadre japonaise. L’ennemis se dérobe, se cache ou s’éloigne.

Ordre est donné le soir de mettre cap plein sud pour se positionner au centre d’un cercle dont un des arcs est esquissé par l’archipel des Mariannes qui présente un alignement légèrement concave.

Situation au 14 juin 1944 : le TG58.2 est beaucoup plus à l’Ouest que les autres flottes américaines et envoie ses reconnaissances aériennes.
La flotte japonaise est encore groupée, c’est seulement le 14 juin à minuit que la flotte de diversion suivra le plan A-go et se dirigera droit sur les Mariannes – la flotte principale continuera, sans le savoir encore, en direction du TG58.2.
Le TG 58.1 est divisé en deux flottes, TG 58.11 et TG 58.12.
Les autres reconnaissances aériennes américaines et japonaises ne sont pas reportées sur ce schéma extrait des ordres des joueurs.

15 juin

Une reconnaissance à 360° est lancée depuis notre point, à partir de 6h du matin. En complément nous mettons cap à l’est pour nous nous rapprocher du TG58.1 vers Tinan et Saipan. Cette reconnaissance a pour objectif de couvrir toutes les hypothèses de la ou des présences ennemies. Escadre restée très à l’ouest des Mariannes, escadre vers Iwo Jima, escadre cachée à proximité des Mariannes, escadre vers le sud des Mariannes et non repérée par le TG58.3.

Vers 9h c’est le bingo. L’avion assurant la reconnaissance sur un des faisceaux ouest détecte une flotte composée de 2 CV lourds, 2CV légers, un BB, deux ou trois CA légers et des DD, soit une composition sensiblement équivalente à la nôtre qui se dirige vers l’est. C’est donc à l’ouest que se trouverait la flotte ennemie. Cela ressemble à une avant-garde. Les autres reconnaissances ne donnent rien.

Ordre est donné de lancer immédiatement un raid sur cette flotte. Compte tenu des horaires, il sera de retour avant la nuit. Une CAP d’une vingtaine d’avion est néanmoins laissée au cas où cette escadre nous repère au même moment et lance un raid simultanément. Vers 10h, les premières escadrilles décollent et en fonction du plan de vol communiqué se dirigent vers la position supposée de l’ennemi. Hellcat et Avenger  sont de la partie pour ce raid qui mobilise une centaine d’avions. Tout ce qui bombarde et torpille est envoyé.

Vers midi, notre raid trouve sa cible, balaye la CAP ennemie qui semblait bien mince d’après les commentaires radio et engage le combat. Sauf qu’il n’y a pas de porte-avions lourds mais quatre porte-avions légers. Nous suivons fébrilement l’engagement, accrochés à la radio du poste de contrôle du Wasp. Un CVL est coulé, un autre gravement endommagé (en feu), le cuirassé semble également lourdement endommagé. Leur DCA réussit cependant à nous infliger des pertes mais elles semblent supportables à entendre les commentaires des chefs d’escadrilles. Deux escadrilles ont cependant raté la cible en dérivant.

Comme nous sommes virtuellement découverts par ce raid, un premier rapport est envoyé à la TF58 pour préciser nos positions, le repérage, le raid et ses résultats vers 13h. Nous attendons anxieusement le retour de nos pilotes. L’appontage sera difficile pour les appareils les plus endommagés.

17h, alerte radar plein ouest d’une formation d’avions alors que nous procédions aux premiers appontages. Plus d’une centaine d’avions, chasse comprise, s’en prend au TG58.2. Notre CAP, à bout de carburant, ne peut que partiellement entraver ce raid ennemi sorti de nulle part à une heure aussi tardive. Notre DCA se déchaine pour limiter la casse. Cependant le Monterey est en flamme et ne flotte que par miracle. Il est hors de combat et inutilisable. Le Yorktown est touché par deux torpilles, ses chaudières sont endommagées et le pont troué par un bombardier. Sa vitesse chute à quelques nœuds. Le Baltimore est lourdement touché par des bombardiers en piqué, son armement inutilisable. Le raid fini, nous récupérons les derniers avions. Certains sont contraints d’amerrir, le pont du Yorktown ne permettant pas de récupérer tous ses avions.

15 juin 1944 : raid aérien japonais de la flotte principale sur le TG 58.2. Le PAL Langley (au centre) est endommagé par une première vague de bombardiers torpilleurs. Une deuxième vague arrive par la droite et va l'achever. Le PA Yorktown (arrière plan) est pris à parti par des bombardiers en piqué. Le croiseur lourd Boston (gauche) reçoit plusieurs torpilles.

Après analyse, compte tenu du nombre d’avions engagés, il apparait que ce raid ne pouvait pas venir de l’escadre que nous venions d’attaquer. Le gros de la flotte ennemi est donc en arrière d’une escadre avancée qui semble avoir été notre cible. Sauf que l’horaire tardif du raid laisse préjuger qu’elle pourrait être beaucoup plus proche de nous sans que nos appareils de reconnaissance l’aient détectée. A moins que par audace ou témérité, le raid ait été lancé au risque de la nuit. Au-delà des dommages importants que nous subissons, une certaine anxiété nous saisit par le danger que toutes ces incertitudes laissent planer, d’autant que la flotte ennemie n’a pas été repérée alors qu’elle nous a trouvés. Un deuxième compte rendu est envoyé à la TF58 avec le tableau des pertes. Nous recevons de nouvelles instructions qui vont guider notre action pour le lendemain.

Evaluation des dommages après le raid japonais du 15 juin 1944 sur le TG 58.2.

Les réparations sont lancées dès 18h et les équipes grâce à leur incroyable dévouement réussissent des exploits. Le Yorktwon retrouve de la vitesse et son pont est, en partie, utilisable. Le Baltimore retrouve l’usage de deux tourelles. Par contre, le Monterey est définitivement hors de combat, son kiosque est détruit, le pont éventré et une partie des hangars anéantis. Il doit être réparé dans un port. Mais il continue à flotter et à produire avec l’énergie du désespoir assez de puissance pour continuer à avancer. Le reste de l’équipage est transféré sur d’autres bâtiments et le strict minimum est laissé sur place pour convoyer l’épave. Nous déplorons de nombreux morts et blessés. Les infirmeries sont débordées mais le courage de tous permet de s’occuper des plus graves. Nous avons aussi perdu beaucoup de braves et expérimentés pilotes dans le raid, surtout lors de l’appontage qui pour certains s’est exécuté dans des conditions apocalyptiques. Jusque tard dans la soirée, les DD ont récupéré des pilotes dans l’eau. Bien qu’émoussé par ce raid brutal et inattendu, le TG58.2 garde ses capacités opérationnelles et peut continuer le combat. D’autant que le regroupement est en cours avec le rapprochement du TG58.1 et TG58.3.

En cohérence avec les instructions reçues, ordre est donné : cap nord-est vers Iwo Jima pour esquiver la flotte ennemie par le nord.

16 juin

Dans la nuit, nous organisation avec le chef des opérations aériennes un plan de reconnaissance afin de mettre la main sur la flotte qui nous a amoché en fin d’après-midi du 15. L’ensemble des TG de la TF58 sont missionnés dans leur secteur pour la localiser. En outre, nous décidons une protection maximum du TG avec l’intégralité de nos chasseurs restants (plus d’une soixantaine) en couverture au-dessus de nous (CAP) pour 8h du matin.

Dès 5h les premiers avions de reconnaissances sont lancés vers l’ouest/sud-ouest sur un arc de cercle de 180°. Etant de donné que nous sommes les plus au nord dans le dispositif, une interrogation subsiste sur l’opportunité de reconnaissances vers le nord-ouest. En effet la trajectoire de l’avant-garde était plein ouest vers Tinan et Saipan, mais le gros de la flotte japonaise pouvait croiser plus au nord. Par acquis de conscience et compte tenu des possibles changements de cap et de vitesse de croisières des flottes japonaises nous rajoutons un faisceau supplémentaire pour couvrir un peu plus au nord notre reconnaissance.

Vers 9h, un premier rapport nous laisse à penser que nous repérons le reste de l’avant-garde que nous avions attaqué la veille (2CVL et 2CA). Un peu plus tard un autre rapport d’une autre reconnaissance repère un CVL et un cuirassé avec une modeste escorte qui se traine en arrière de la première escadre. L’ensemble se déplace toujours direction est vers les Mariannes. Sans équivoque, il s’agit des navires endommagés la veille par notre raid.

En parallèle, le trafic de reconnaissance ennemi s’intensifie sur nos radars. Néanmoins la position et les caps de ces avions nous interpellent. Ils induisent une présence soit sud-ouest de leur point de départ, soit nord-ouest en parallèle de notre ultime faisceau de reconnaissance le plus au nord. Aucun autre rapport de reconnaissance ne nous parvient.

Aussi, avec le chef des opérations aériennes nous organisons un raid sur les navires en traîne. Il ne semble pas bénéficier d’une Cap et notre avion de reconnaissance garde le contact avec cette escadre. Compte tenu des incertitudes qui pèsent de nos têtes, l’ensemble des chasseurs reste au-dessus du TG58.2. Notre raid partira donc sans escorte de chasseurs.

16 juin 1944 : fin du CU Hyuga et du PAE Unyo sous les coups des avions du TG 58.2.

Vers midi, impitoyablement nos appareils achèvent le travail de la veille et coulent le CVL et le BB déjà endommagé. Au même moment l’alerte radar signale une nouvelle formation d’avions qui se dirige vers nous. Cette fois notre chasse peut intercepter efficacement et le combat aérien s’engage. Néanmoins le raid japonais est bien organisé et alors que nos deux chasses se neutralisent, une partie des bombardiers et torpilleurs japonais réussissent à échapper à nos Hellcats F6F et s’en prennent à nos porte-avions. Cette fois-ci le Monterey n’a aucune chance et est rapidement coulé, le Cowpens est très gravement atteint et sombre dans un tonnerre d’explosion. Surtout le Wasp est pris à partie par des torpilleurs. Il est endommagé par plusieurs coups au but. Il commencer à giter et certains compartiments prennent l’eau.

16 juin 1944 - raid aérien japonais sur le TG 58.2. PAL Cowpens (droite) et Monterey (centre) lourdement touchés. PA Wasp également touché (arrière plan). Entre ces deux derniers, le CU South Dakota est visé sans succès.

Cette fois-ci nos capacités opérationnelles sont clairement anéanties. Nos deux CV qui flottent encore sont endommagés et nous récupérons tant bien que mal ce qui reste de nos bombardiers et surtout de notre chasse. Il reste à peine un tiers de nos appareils dont certains sont inutilisables. Nous devons encore récupérer des pilotes dans l’eau, soit à l’issue du combat aérien, soit parce que nos CV sont dans l’incapacité de récupérer tous nos avions.

Vers 14h, j’informe la TF58 que nous rompons le combat et mettons le cap sud/sud-est vers le TG58.1 pour bénéficier de sa couverture. Ensuite cap vers Eniwetok puis Pearl Harbor pour les CV endommagés et leur escorte.

Il appartiendra au reste de la TF58 de repérer la flotte japonaise, qui reste invisible mais semble se dérober vers le nord, et de la neutraliser. Bien que nos pertes soient substantielles et nos capacités d’attaque neutralisées, le groupe aérien de la flotte combinée japonaise est probablement sérieusement entamé à l’issue des deux raids ravageurs qu’il nous infligea. Les derniers rapports de la TF58 indiquent que l’escadre japonaise d’avant-garde semble anéantie par les raids de ce jour.

Situation au 16 juin 1944 : le TG 58.3 s'est décalé au nord pendant la journée du 15 juin. Avec les deux flottes du TG 58.1, ils ratissent la zone ouest des Mariannes. Le TG 58.2, après une route au sud, repart au nord puis à l'ouest pour participer à cette manœuvre … revenant ainsi à portée de la flotte principale japonaise !
La flotte de diversion japonaise est pratiquement détruite par les raids aériens des TG 58.3, TG 58.11 et TG 58.2.
(schéma extrait des ordres des joueurs).

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Voilà en donc en substance qu’aurait pu être le journal de marche du Task Group 58.2 lors de cette formidable reconstitution de la bataille de la mer des Philippines en prélude de l’invasion des Mariannes sous la règle Amirauté que nous jouâmes lors de l’édition 2018 des Semaines de l’Hexagone. Cet événement, historiquement connu sous le nom code d’opération « Forager » par les américains et « A-Go » chez les japonais, est resté sous le sobriquet de « tir aux pigeons des Mariannes ». En effet, en 1944 le groupe aérien japonais au bout de plusieurs et malheureuses péripéties fut décimé par la chasse aérienne américaine avec une facilité, à priori, déconcertante. Encore plus dramatique, 2 des 5 porte-avions lourds japonais furent coulés par des… sous-marins qui dans la présente reconstitution ne furent pas introduits. Par contre, les bombardements américains en réaction sur la flotte japonaise compte tenu des moyens mis en œuvre furent assez décevants et le retour des raids en pleine nuit des plus acrobatiques occasionnant d’importantes pertes. La simulation a prouvé que, paradoxalement, on pouvait arriver à un tout autre résultat. En effet, au moins sur le papier, le rapport de force n’était pas si désavantageux pour le japonais et le TG58.2 aurait pu connaitre une correction bien plus sévère s’il était tombé nez à nez avec le gros de la flotte japonaise. Cependant, à n’en pas douter, l’amiral du TG58.2 de la simulation verra sa carrière brutalement cassée comme ce fut le cas historiquement en 1942 lors de la bataille indécise des îles Salomon qui engloutit au moins 5 contre- et vice- amiraux américains. Tout au plus, ce journal lui évitera peut-être la cours martiale…

Cette simulation s’est donc appuyée sur un contexte historique qui mit en ouvre des moyens aéronavals considérables. 8 porte-avions lourds et 10 porte-avions légers sans compter les cuirassés et croiseurs côté américain, 5 porte-avions lourds et 5 portes avions légers coté japonais avec évidement les avions associés (plus de 1500 au total des deux camps). En fait, peu de systèmes de simulation peuvent gérer à la fois sur des niveaux stratégiques et tactiques (au plus fin niveau bateau et avion) d’aussi gros moyens avec une telle fluidité et surtout une immersion, si j’ose dire, aussi convaincante et réaliste dans l’atmosphère des incertitudes du commandement naval. Derrière la facétie du journal de marche, il faut bien comprendre qu’il prend corps parce ce que la matière de la simulation est d’une grande richesse. On bâtit toujours une histoire vivante, sur une expérience riche, intense et variée. Amirauté peut être une formidable machine à histoires et à refaire l’Histoire. Certes, l’arbitre (merci Benoît Marconnet), la superposition des claques, son matériel (des dizaines de figurines) pour illustrer les situations tactiques, plus de trente ans d’automatisation des règles sous tableurs pour résoudre l’ensemble des situations, contribuent à la maturité du système. La gestion peut devenir rapidement assez riche. Ainsi le 16 juin, son rôle tenait plus du contrôle arien à Roissy un jour de grand départ avec des avions dans tous les sens. Mais je reste étonnamment surpris de la facilité avec laquelle n’importe quel joueur peut s’intégrer dans le système et devenir un acteur presque au sens Jeux de Rôle sans que celui-ci soit contraint comme dans un wargame plus classique à une assimilation parfois laborieuse du système de règles dans l’espoir de jouer et de simuler l’action. Il existe beaucoup de règles de simulation en mode campagne, mais la gestion du joueur peut parfois buter sur des contraintes spécifiques au système et non sur la réalité qu’il cherche à simuler. Aussi, la planification des actions navales et aériennes (la description de l‘intention de l’action et du mouvement) est au fond très proche de la réalité (cartes, crayons, règles, gommes, compas, rapporteurs). Ces outils participent significativement à l’immersion dans le contexte et contribuent au fonctionnement du système de jeu. La gestion des repérages (jumelles, figurines), des messages (l’éloignement des escadres au sein d’un camp), des rapports, etc… amplifient l’ambiance du contexte et sont en même temps des éléments en « interface » au « système » de simulation.

L’accessibilité de la simulation donne une dimension particulière pour des acteurs de tous âges. Ce point me parait important. En particulier Amirauté peut prendre une dimension pédagogique et didactique sur plusieurs plans. Comme toute simulation historique, elle reste une formidable ouverture sur les contextes historiques qu’elle cherche à reproduire. Elle permet évidement de mieux comprendre et de mieux juger les choix des véritables protagonistes. Mais elle permet surtout, de s’exercer et de se former au sens presque Kriegspiel à la complexité de la décision dans des environnements incertains voir confus. Si la simulation est rentrée dans beaucoup de domaines extra ludiques ou extra historiques, elle a surtout cherché à conditionner l’assimilation de procédure ou de processus par la répétition mécanique des situations à reproduire. Je ne suis pas convaincu que, même dans les écoles d’état-major, la simulation en « brouillard de guerre » des décisions difficiles à prendre soit beaucoup pratiquée. Gérer dans l’incertitude ou l’imprévu est au fond une qualité qui fait peur. Or, Amirauté est une remarquable école de la prise de décision en situation confuse où l’aléa, l’imprécision, l’incertitude, l’erreur, l’irrationnel voir le chaos sont des paramètres du contexte. Enfin un dernier aspect plus pédagogique est la possibilité pour des adolescents d’expérimenter dans un cadre ludique des objets qu’ils côtoient régulièrement. Le calcul, la projection, la géométrie, la géographie, le soin, la rigueur deviennent des instruments de jeu qu’ils peuvent pratiquer plus concrètement.

Enfin la mixité des générations dans la simulation s’avère la dernière dimension remarquable du jeu. Le scénario de cette année a regroupé des adolescents, des adultes et des vétérans. En plus, ce fut une histoire de familles. Deux pères avec ou contre leur fils, cousins dans chaque camp, donnèrent une couleur et une âpreté bien particulière où les conflits de génération ont trouvé leur cadre d’expression, si j’ose dire, pacifique. Heureux le fils qui réussit à coincer et piéger son père sur l’océan…

A propos

Fondateur du club des LOUPS DU TEMERAIRE (Nancy 1979), collaborateur à SIMULATIONS d’H-A Cornejo, il lance le JOURNAL DU STRATEGE en 1979, édite plusieurs simulations dont GERGOVIE avant de collaborer à d’autres revues wargame ou jeux de rôles : GRAAL, JEUX et STRATEGIE et divers fanzines de Jeux Par Correspondance. Sa seconde passion est l’animation, elle rejoint le jeu au travers des séjours de jeux SEMAINES DE L’HEXAGONE qu’il anime depuis plus de 35 ans.

2 commentaires

  1. Je n’y étais pas sur celle là mais ça donne bien envie. Merci aux rédacteurs et correcteurs de l’article, au photographe aussi car c’est bien… « parlant ».

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