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La route des épices

Lassé par mon addiction récente à cet excellent Mars Terraforming ( https://www.journal-stratege.com/mars-terraforming-1/ ), un de mes camarades de jeu des Semaines de l'Hexagone ( http://cercle-strategie.com ) nous a proposé une petite escapade sur: « un jeu simple mais sympa ».
Nous avons donc découvert et adopté cet opus n°1 du système Century.

Présentation sommaire

Il s'agit d'un jeu où l'on vous propose de livrer des cargaisons d'épices symbolisés par des cubes de 4 couleurs différentes. Les contrats à réaliser sont des cartes qui demandent 4, 5 ou 6 cubes d'épices différents. Ils rapportent des points de victoire qui dépendent de la rareté ou difficulté d'obtenir les épices demandés.
Le mécanisme est simple, on joue chacun son tour, et l'on peut faire une des 4 actions suivantes :
    - jouer une carte « production » ou « transformation » que l'on a en main
    - livrer un contrat parmi les 5 proposés
    - acquérir une des 6 cartes proposées à l'achat
    - reprendre toutes les cartes jouées dans sa main.

Disposition initiale avec les 2 rails de cartes, la pioche à droite et les épices à gauche.

De base, chacun dispose d'une carte « production » de 2 cubes d'épices jaunes, et d'une carte « transformation » permettant de transformer un cube de 2 niveaux ou deux cubes d'un niveau chacun (un cube jaune devient un vert ou bien 2 cubes jaunes deviennent 2 cubes rouges). Mais on peut acquérir aisément d'autres  cartes aux pouvoirs parfois plus... exotiques comme nous le verrons plus loin. Les plus aisées à utiliser sont les cartes  « production », on les pose et on ajoute dans sa réserve le ou les cubes indiqués de la couleur considérée  A noter que la réserve ne peut contenir plus de 10 cubes d'épices, c'est une limite maximale incontournable qui donne au jeu de chacun une respiration, un rythme particulier.
La raison qui me pousse à écrire cet article est assez basique, il s'agit de la distorsion entre le qualificatif de « jeu simple mais sympa » qui nous a amené à y jouer et la difficulté que j'ai eu ensuite à paramétrer convenablement les actions de jeu. Vous savez comme nous sommes, nous autres joueurs passionnés, toujours à vouloir tirer le meilleur parti des règles proposées...

Donner une valeur à chaque coup joué, première étape.

a) le paramétrage
Puisque les deux premières cartes de la main initiale nous permettent, soit de poser 2 cubes, soit de les augmenter chacun d'un niveau de valeur, il m'a semblé pertinent de commencer par donner la valeur 1 au plus petit cube (cube jaune).  L'ordre de valeur des cubes d'épices devient Jaune=1, Rouge=2, Vert=3 et Marron=4.
Ainsi jouer l'une ou l'autre des 2 cartes fournies de base amène une plus value identique :
    - la carte « produire 2 cubes jaunes » vaut 2
    - la carte « transformer 2 jaunes en 2 rouge » vaut 2 également puisque 2 jaunes de valeur 1 en début, deviennent 2 rouges de valeur 2 ensuite et donnent le calcul suivant : 2x2 = 4 à la fin du tour  moins 1x2 en début donne un gain de 2 pour le tour.
A ce moment, on va s'intéresser à deux choses. La première c'est le nombre de PV qu'offrent les contrats et la seconde c'est l'intérêt des cartes proposées à l'acquisition.
Quand on trie les contrats, on s'aperçoit très vite que notre paramétrage est pertinent puisque LA PLUPART concordent avec notre estimation : L'objectif 2 jaunes, 3 rouges apporte 8 PV ( voir photo ci-dessous). 2 cubes jaunes =2, 3 rouges 2x3 = 6/ Cela donne 8 aussi.
.

L'objectif de droite demande 3 rouges et 2 marrons pour 14 PV puisque 3 rouges = 2x3 et 2 marrons=4x2. Soit 6+8 = 14 PV

Il y a des exceptions avec les contrats demandant des cubes de 3 couleurs différentes qui vont donner une prime de 1, et de 4 couleurs différentes une prime de 2. Ils peuvent porter sur 4, 5 ou 6 cubes qu'importe.
Exemple : le contrat « 2 jaunes, 2 rouges et 2 verts » donne 13 PV (pour 12 de valeur des cubes selon notre paramétrage) et le contrat « 3 jaunes, 1 rouge, 1 vert et 1 marron » donne 14 PV. Cette dissymétrie est tout à fait salutaire.

Le contrat de gauche vous apporte un boni de 1 (13 PV pour 12 de valeur des cubes). Celle de gauche vous apporte un boni de 2 (14PV pour 12 de valeur).

b) l'optimisation de nos coups
Initialement, nous avions classé ce jeu comme deck building, mais après plusieurs parties il est devenu évident que ce n'est pas le cas bien que nous soyons amené à accumuler des cartes pour pouvoir jouer.  Ce qui le différencie, c'est que l'on n'est jamais encombré des cartes les moins intéressantes car on peut reprendre sa main quand on veut.  C'est donc un jeu de stratégie classique. La différence est de taille : dans un deck building, ce sont nos compétences en combinatoire qui vont être déterminantes, alors qu'un jeu de stratégie demande de posséder de solides aptitudes dans « l'économie des forces et des moyens , la concentration des forces, le ruissellement », etc...
Mais revenons à notre optimisation. Se réduit-elle à un simple calcul économique de coût marginal et bénéfice escompté :
    - Ai je intérêt à prendre cette carte qui va me rapporter 2 cubes laissés par mes adversaires immédiatement ou vaut-il mieux que je joue ma carte de base qui m'en rapporte 2 aussi ?
    - Ai-je intérêt à upgrader de suite ces 2 cubes pour prétendre ensuite à réaliser tel contrat, alors que si j'acquière 2 cubes de plus maintenant , je pourrai ensuite avoir un gain théorique 3 fois supérieur mais le contrat aura été pris par un autre ?
    - Ai-je intérêt à prendre un contrat de suite et permettre à mon adversaire de réaliser le contrat qu'il vise avec une prime, alors que si je patiente un tour , il n'aura pas le bonus de 3 PV ?
De base quand je pose une carte, ça me rapporte 2, 3 ou 4 PV en fonction de la carte de « production » dont je dispose. Lorsque  je reprends ma main je perds donc 2 par rapport aux autres. Mais alors, et les autres coups, lorsque je prends une carte dans la pioche visible ou pire lorsque je dois la payer ?
A chacun de voir...
c) Terra Incognita.
Il y a tout un pan de cartes que je ne vous ai encore pas présentées, ce sont les multiples cartes de transformation qui sont de 2 types :
    - les cartes montantes qui permettent de transformer des cubes d'épices en autant ou plus de cubes de valeur supérieure (mettre ici un exemple de carte)
    - les cartes « descendantes » qui permettent de transformer des cubes de valeur haute en plus de cubes de valeur inférieure (mettre ici un exemple de carte).

à gauche carte "montante" - à droite carte "descendante". 5 jaunes (5) donnent 2 marrons (8). 1 marron (4) donne vert + rouge + jaune = 6

Dans tous les cas, vous allez gagner quelques points calculés selon notre paramètrage : 1, 2, 3 voire 4 points si vous les utilisez une fois. Oui mais voilà, contrairement aux cartes production qui ne vous permettent de produire que ce qui est indiqué, celles ci peuvent s'activer plusieurs fois en même temps. Exemple, une carte qui transforme un cube marron (valeur 4) en 2 verts (valeur 6 en tout) donc 2 points de boni, peut vous permettre de transformer par exemple 3 cubes marrons en 6 verts (au total votre gain sera donc de 6 au lieu de 2. Ça fait toute la différence puisque vous venez de tripler votre espérance de gain moyen !

Le tout est d'anticiper et de disposer des 3 cubes marron au moment où vous posez la carte. Maintenant, imaginez que vous ayez aussi en main la carte (3 verts deviennent 2 marrons et 2 rouges = gain de 4) ? Votre réserve en 2 coups est passée de 3 cubes marrons (valeur 12) en 4 cubes marrons et 4 rouges (valeur 24) !!! En plus, avec 2 cubes vous ne pouvez réaliser aucun contrat mais avec 8 cubes et un peu de chance (ou de talent), vous pouvez en faire 2, coup sur coup.
« Vu l'arbre en boule au fond du couloir ? » comme disait d'un air entendu le major de camp aux jeunes recrues...

Sentir le rythme de la partie 2ème étape

Le paramétrage, l'optimisation, c'est bien beau mais comment est ce qu'on gagne au final ? La règle dit que lorsqu'un joueur livre son 6° contrat, cela déclenche la fin de la partie, on termine le tour et on additionne la valeur des contrats, plus les boni acquis et 1 PV par cube non jaune dans la réserve. Celui qui a le plus de PV a gagné.
Il vaut donc mieux anticiper ce moment fatidique car celui qui déclenche la fin a la certitude d'avoir livré 6 contrats alors que les autres n'en auront dans la plupart des cas que 4 ou 5. Forcément le score s'en ressent. Tout ce que je viens de dire plus haut pourrait donc n'être que péroraison et billevesées si vous ne sentez pas le rythme de la partie.
J'utilise aussi le terme de « respiration » pour qualifier les principales périodes qui scandent le jeu. Ce sont :
    - la montée en puissance (constitution de son jeu, squeeze des adversaires, positionnement des pièces ou acquisition de cartes, mise en place de sa « machine à bouffe » )
    - le déploiement de son jeu (stabiliser ses positions, ses majorités, son initiative, son avance, ...)
    - la course aux bénéfices / les PV, tous les PV et rien que les PV !
Dans la Route des épices, il n'y a quasiment que deux parties :
    - l'inspiration, partie marquée par l'acquisition de cartes de production  et d'une combo de cartes de transformation qui permette, si possible, de minimiser le nombre de coups pour atteindre la majorité des combinaisons. Cela passe par des cartes de transformation qui vont au plus court (effet montant) et parfois par une ou plusieurs cartes qui enrichissent en revenant en arrière (effet descendant).
Bien malins sont celles et ceux qui sauront nous dire quelle est la combo idéale, moi je ne m'y risquerai pas ici.
    - une courte apnée quand on constate que plus personne ne paye, ni ne prend de nouvelles cartes
    - l'expiration / rush final qui survient quand certains joueurs commencent à bloquer la réalisation de leurs contrats pour ne pas permettre au joueur suivant d'acquérir des objectifs avec le bonus d'ancienneté (3 PV pour l'objectif le plus à gauche de la pile, 1 PV pour l'avant dernier). Pendant cette partie du jeu, on découvre vite la stratégie de chacun. Il y a celles et ceux qui privilégient le nombre de contrats à réaliser, les moins gratifiants étant ceux qui sont les plus aisés à réaliser, ce sont eux qui mettent la pression en accélérant la fin de la partie, et il y a les optimisateurs qui veulent faire les plus gros contrats. Au final, ce sont souvent les opportunistes qui ont privilégié les contrats avec boni qui gagnent.
Avec tout ça, vous voilà, en tous cas je l'espère, à peu prés amés pour comprendre ce qui se passe dans le jeu et c'est, comme d'habitude votre talent qui fera la différence.
Bon jeux à toutes et tous.

A propos

Fondateur du club des LOUPS DU TEMERAIRE (Nancy 1979), collaborateur à SIMULATIONS d’H-A Cornejo, il lance le JOURNAL DU STRATEGE en 1979, édite plusieurs simulations dont GERGOVIE avant de collaborer à d’autres revues wargame ou jeux de rôles : GRAAL, JEUX et STRATEGIE et divers fanzines de Jeux Par Correspondance. Sa seconde passion est l’animation, elle rejoint le jeu au travers des séjours de jeux SEMAINES DE L’HEXAGONE qu’il anime depuis plus de 35 ans.

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